Les outils rêvés des journalistes
Mystique pour les uns, religieux pour les autres, le XXIe siècle devrait sans doute aussi être technologique. Mais si la technologie a déjà envahi nos vies, nous rend-elle les services qu’on en attend ? Et surtout, concernant les journalistes, la qualité de leur travail se résume-t-elle aux outils qu’ils utilisent ? Évidemment, non. Curiosité, rigueur et intégrité sont et resteront toujours les seuls outils indispensables. «C’est l’homme qu’il faut améliorer plutôt que la machine», résume Anicet M’Bida, rédacteur en chef adjoint de 01 Informatique. Car à trop se focaliser sur les machines, on pourrait bien mettre de côté l’humain.
Si certaines réponses sont inclassables, la majorité tourne autour de l’amélioration des ordinateurs portables, du triage des courriels, de la prise de notes, de la synchronisation des données et de la retranscription des interviews. «La majorité des outils souhaités par les journalistes existent déjà, remarque Anicet M’Bida. Mais le plus souvent, ils ne sont pas, pour des raisons financières, à la portée des rédactions.» Visite guidée entre rêves et réalité.
Avoir des portables plus évolués
Lorsqu’ils sont en reportage, les journalistes rêvent d’ordinateurs portables «connectés en permanence au Net», «petits», «légers», «endurants» et «incassables et étanches». En la matière, les technologies avancent à la vitesse du haut débit. Mais si l’apparition des miniportables et autres ultraportables répondent aux attentes de légèreté et de miniaturisation, aucun ordinateur ne présente toutes les caractéristiques souhaitées. Du moins pas à un prix abordable. De même, s’il existe des ordinateurs dit «durcis», réputés incassables et étanches, ou avec une grande autonomie (jusqu’à trente heures pour certains), ceux-ci sont lourds (3 kg minimum) et chers (2 000 euros au moins).
Trier les courriels
Certains en reçoivent plus de 300 quotidiennement. Les courriels sont une plaie pour nombre de journalistes. Surtout quand ils sont sans rapport avec les sujets qu’ils traitent ou envoyés en doublon. Aussi, beaucoup demandent des logiciels intelligents permettant de les «dédoublonner ou de les trier» en fonction des rubriques et autres sujets à venir ou en cours. Des outils de tri et d’indexation qui en réalité existent déjà, notamment sur Gmail et Outlook. Mais outre leur complexité, leur principale difficulté tient à la définition de ce qui est important et de ce qui ne l’est pas. Or, pour le savoir, il y a rarement d’autres solutions que d’ouvrir le courriel… Une des solutions à cette inflation de courriels peut-être recherchée du côté des agences de presse qui, indiquent les journalistes, «devraient mieux se renseigner sur nos domaines d’intervention».
Synchroniser les documents
A lire l’enquête, c’est l’un des plus grands souhaits des journalistes : disposer d’un outil de synchronisation de tous leurs contacts, sources d’information et autres travaux inscrits sur leurs différents postes (ordinateur de bureau, téléphone mobile, ordinateur portable) permettant d’éditer tous ces dossiers sur plusieurs supports simultanément et de manière automatique. Bonne nouvelle, ça existe déjà ! «Des logiciels, comme Sugarthing ou Dropbox, permettent de synchroniser les documents d’énormément de plates-formes», précise Anicet M’Bida. Toutes les infos peuvent être éventuellement récupérables sur le Net. De plus, certains de ces logiciels sont gratuits. Notons aussi que certains journalistes souhaitent des «outils de mise en forme pour formater et déformater» leurs écrits afin que ceux-ci soient automatiquement publiables. Une aspiration que les rédactions techniques, dont c’est l’une des missions, jugeront sans aucun doute bien peu confraternelle…
Regrouper toutes ses notes…
Les éternels «papiers-crayons» utilisés pour les prises de notes ont peut-être vécus. Pas simple de s’y retrouver dans ses notes, voire de les retrouver tout court. De plus en plus de journalistes prennent d’ailleurs aujourd’hui directement leurs notes sur leur ordinateur. Soit en tapotant sur leur clavier, voire, pour les plus technophiles, en écrivant de façon manuscrite sur leur écran (des logiciels retranscrivent ensuite les écrits). Aussi ils sont nombreux à demander des logiciels permettant de regrouper et classer leurs notes. Ils existent, notamment Onenote (Microsoft) et Evernote (qui est gratuit). Il est en outre possible de joindre aux notes des fichiers audio et vidéo.
… et synthétiser ses idées
A l’instar de ce journaliste d’un grand quotidien, beaucoup ont évoqué des «synthétiseurs d’idées» pour regrouper des bouts de textes et autres extraits de citations avec une «logique permettant d’éviter les doublons et redites». Et bien, la réalité a presque rejoint la fiction. Il est aujourd’hui possible de classer, trier, tagger ses documents selon des thématiques ouvertes grâce à des logiciels, dont l’un des plus connus s’appelle The Brain.
Retranscrire les interviews
Un logiciel performant permettant de retranscrire les interviews audio en fichier texte ravirait de nombreux journalistes, qui gagneraient ainsi un temps précieux. S’il existe déjà des solutions de reconnaissance vocale, elles ne sont pas assez performantes. Pour certains métiers, comme les professions médicales, ces outils peuvent être efficaces dans la mesure où le vocabulaire est restreint et connu à l’avance, mais pour les discussions à «bâtons rompus» qui peuvent avoir cours lors des interviews, c’est plus compliqué. En revanche, des solutions de dictée vocale fonctionnent très bien, mais n’ont pas grand intérêt pour améliorer le travail quotidien des journalistes.
Et aussi…
Hologramme, téléportation… Qui n’a jamais rêvé de telles inventions ? Lors de la victoire de Barack Obama à la présidentielle américaine, la chaîne CNN a expérimenté l’hologramme avec une journaliste située à Chicago dont la silhouette était présente dans le studio de New York. Les journalistes sont nombreux à évoquer ces concepts. Des envies qui ont une résonance particulière à l’heure où beaucoup se plaignent d’une dégradation de leurs conditions de travail. Ainsi un journaliste explique être «multitâches, mais pas encore assez» pour son employeur. Aussi s’amuse-t-il à rêver d’un «double de lui-même». Dans le même esprit, un autre pense à un «dédoubleur de cerveau». Les plus flemmards rêvent même «d’une voiture qui les reconduirait toute seule». Pour le moment, cela s’appelle un taxi.